Nous savons qu’à un niveau interne
les professionnels de l'Evam ont aussi dénoncé les politiques publiques
répressives et inhumaines que les requérants d'asile doivent subir
quotidiennement. Nous relayons ici leur appel, en exprimant notre
solidarité avec tous les professionnels de la santé et du social qui ont eu le
courage de révéler ces pratiques.
Groupe du 11 juin
Nous refusons d’être des témoins passifs …
Nous sommes des collaboratrices
et collaborateurs de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM).
Nous refusons d’être les témoins passifs de la déshumanisation systématique de
l’accueil des Migrants actuellement à l’œuvre dans le Canton de Vaud.
L’hypocrisie du discours tenu par notre Direction et le Conseil d’Etat nous
impose, en tant que professionnels et citoyens, de prendre position et d'alerter nos collègues
sur la réalité de la politique menée par ces instances.
Chaque fois que cela est
possible, l’EVAM, tout comme les autres instances officielles, privilégie
l’aspect dissuasif en dégradant au maximum les conditions d’accueil des
bénéficiaires dans l’espoir que les Migrants tentent leur chance dans un autre
pays d’Europe.
L’Office Fédéral des Migrations
traite en priorité les demandes d’asile ayant peu de chance d’aboutir. C’est
ainsi que des personnes en provenance de Syrie, Erythrée, Afghanistan, Ethiopie
(et bien d’autres), ayant fui la torture, la dictature et la guerre, sont
laissées dans des abris de la protection civile, pour certains depuis plus d’une
année. Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles : la nuit, le
bruit, la promiscuité, les vols et les bagarres rendent le repos impossible. Le
matin à 07h00, du lundi au dimanche, ceux qui ont pu s’endormir sont réveillés
et tous doivent quitter l’abri jusqu’au soir. La nourriture est peu variée,
cuisiner n’est pas autorisé ni possible. Les conditions d’hygiène sont souvent
lamentables, les invasions de puces sont récurrentes.
Des personnes restent parfois
plusieurs semaines dans les abris malgré des certificats médicaux attestant de
graves atteintes à leur santé. D’autres n’ont pas accès à leur réseau médical
avant plusieurs mois, en raison de difficultés d’agendas, d’accès aux
interprètes, de surcharge de travail pour les différents professionnels qui les
entourent, impliquant une prise en compte tardive de leurs difficultés et ayant
un impact important sur leur santé. Ce manque de ressources, ajouté au manque
de sommeil, renforce les atteintes à la santé des migrants, provoquant ainsi de
nouveaux troubles et actes pouvant mettre leurs vies en danger.
En fin d’année 2013, un homme est
décédé dans l’indifférence générale des autorités dans un abri PC de la région
lausannoise. Les tentatives de suicide au sein des différents foyers se
multiplient. Les familles, elles, sont entassées dans des foyers surpeuplés.
Par le jeu des accords de Dublin, leurs demandes d’asile sont rejetées sans
n’avoir jamais été réellement examinées. La Police vient alors en nombre, à
l’aube, arrêter hommes, femmes et enfants pour les expulser.
L’EVAM collabore étroitement avec
la Police qui effectue régulièrement des descentes dans les différentes
structures. Toutes les armoires, sans exception, sont forcées, les affaires des
Migrants entassées et mélangées et tout argent saisi. Les rues sont devenues un
véritable enfer : contrôlés au faciès de manière systématique,
interdictions de périmètres et contraventions pour troubles à l’ordre publique.
Nous avons été profondément
choqués par le discours prononcé par notre Directeur lors de la fête de fin
d’année. Le cynisme de ce discours se voulant humoristique, accompagné d’images
et de références au drame de Lampedusa et aux bidonvilles pour parler des
problématiques rencontrées en termes d’hébergement à l’EVAM, laisse présager le
pire. Notre Direction appliquera-elle sans scrupule des mesures bafouant les
droits humains dans l’espoir de dissuader les migrants de choisir la
Suisse ?
Au nom de la dissuasion, l’EVAM
et le Conseil d’Etat vont maintenir des conditions d’hébergement indignes et
encouragent une démesure de pression policière. En tant que
professionnels, nous ne pouvons que constater l’inefficacité de cette
politique. Celui qui a risqué sa vie pour venir en Europe, y restera. Peut-être
que les Migrants tenteront un autre pays mais ils reviendront en Suisse quand
les conditions s’y seront à leur tour dégradées. Cette course à la maltraitance
qui se joue entre les différents pays de l’espace Schengen, de la Suisse et du
Canton de Vaud est indigne de la tradition humaniste revendiquée. Cependant,
pour que la vie des Migrants soit la plus difficile possible, l’objectif est
parfaitement atteint.
Un homme a tenté de s’immoler au
SPOP, un autre est mort en tombant d’une fenêtre du Foyer d’aide d’urgence de
Vennes alors qu’il devait retourner en Italie. Un jeune syrien est monté sur le
toit d’une école menaçant de sauter s’il n’était pas entendu par les
autorités. La facture financière, sociale et humaine de cette politique
est énorme.
Chassés des abris par l’EVAM le
matin, des parcs et des centres villes par la Police la journée, les Migrants
n’ont aucun espace pour s’isoler et se reposer. « C’est comme la prison
mais la prison c’est mieux que l’EVAM ». Le manque de sommeil ajouté à
la promiscuité, au confinement en dortoir de plus de 50 personnes, en abri et
en structure de jour, engendre inévitablement un climat de violence. S’ajoute à
cela l’apparition de multiples difficultés psychosociales telles que la
consommation de différents produits et l’apparition de maladies psychiques permettant
à l’EVAM de mettre en place et de justifier des mesures de contrainte
humiliantes.
Nous appelons notre Direction et
le Conseil d’Etat à un changement radical de la politique d’accueil des
Migrants et d’appliquer immédiatement les mesures suivantes :
·
« Assurer un hébergement
conforme aux droits humains élémentaires à chaque bénéficiaire » est
déclaré objectif n°1de l’EVAM pour l’année 2014.
·
Ouverture des abris 24h/24h afin
de permettre aux Migrants de se reposer.
·
Arrêt immédiat des descentes de
police dans les Foyers EVAM.
Nous appelons nos collègues à s’exprimer, à
prendre position et à témoigner. Nous souhaitons que les valeurs d’Ouverture et
de Responsabilité, tant prônées à l’EVAM, soient respectées.
Demandons ensemble de meilleures ressources
pour améliorer l’accueil des Migrants !
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