Le 11 juin 2014, un groupe de personnes en colère a pris possession du nouveau siège de l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM), à la route de Chavannes 33 à Lausanne.

Par cette occupation pacifique et symbolique, nous affirmons que la violence d'Etat exercée à l'encontre des requérants d'asile ne peut plus durer. Personnes vulnérables entassées dans des abris antiatomiques insalubres au mépris des recommandations médicales, requérants d'asile jetés à la rue en guise de punition, familles continuellement déplacée au mépris de la scolarité des enfants: l'EVAM abuse régulièrement de son pouvoir et ses pratiques choquent nombre de professionnels de la santé et du social actifs sur le terrain.

mercredi 11 juin 2014

Nous refusons d’être des témoins passifs …

Nous savons qu’à un niveau interne les professionnels de l'Evam ont aussi dénoncé les politiques publiques répressives et inhumaines que les requérants d'asile doivent subir quotidiennement. Nous relayons ici leur appel, en exprimant notre solidarité avec tous les professionnels de la santé et du social qui ont eu le courage de révéler ces pratiques.
Groupe du 11 juin


Nous refusons d’être des témoins passifs …

Nous sommes des collaboratrices et collaborateurs de l’Etablissement Vaudois d’Accueil des Migrants (EVAM). Nous refusons d’être les témoins passifs de la déshumanisation systématique de l’accueil des Migrants actuellement à l’œuvre dans le Canton de Vaud. L’hypocrisie du discours tenu par notre Direction et le Conseil d’Etat nous impose, en tant que professionnels et citoyens, de prendre position et d'alerter nos collègues sur la réalité de la politique menée par ces instances.
Chaque fois que cela est possible, l’EVAM, tout comme les autres instances officielles, privilégie l’aspect dissuasif en dégradant au maximum les conditions d’accueil des bénéficiaires dans l’espoir que les Migrants tentent leur chance dans un autre pays d’Europe.
L’Office Fédéral des Migrations traite en priorité les demandes d’asile ayant peu de chance d’aboutir. C’est ainsi que des personnes en provenance de Syrie, Erythrée, Afghanistan, Ethiopie (et bien d’autres), ayant fui la torture, la dictature et la guerre, sont laissées dans des abris de la protection civile, pour certains depuis plus d’une année. Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles : la nuit, le bruit, la promiscuité, les vols et les bagarres rendent le repos impossible. Le matin à 07h00, du lundi au dimanche, ceux qui ont pu s’endormir sont réveillés et tous doivent quitter l’abri jusqu’au soir. La nourriture est peu variée, cuisiner n’est pas autorisé ni possible. Les conditions d’hygiène sont souvent lamentables, les invasions de puces sont récurrentes.
Des personnes restent parfois plusieurs semaines dans les abris malgré des certificats médicaux attestant de graves atteintes à leur santé. D’autres n’ont pas accès à leur réseau médical avant plusieurs mois, en raison de difficultés d’agendas, d’accès aux interprètes, de surcharge de travail pour les différents professionnels qui les entourent, impliquant une prise en compte tardive de leurs difficultés et ayant un impact important sur leur santé. Ce manque de ressources, ajouté au manque de sommeil, renforce les atteintes à la santé des migrants, provoquant ainsi de nouveaux troubles et actes pouvant mettre leurs vies en danger.
En fin d’année 2013, un homme est décédé dans l’indifférence générale des autorités dans un abri PC de la région lausannoise. Les tentatives de suicide au sein des différents foyers se multiplient. Les familles, elles, sont entassées dans des foyers surpeuplés. Par le jeu des accords de Dublin, leurs demandes d’asile sont rejetées sans n’avoir jamais été réellement examinées. La Police vient alors en nombre, à l’aube, arrêter hommes, femmes et enfants pour les expulser.
L’EVAM collabore étroitement avec la Police qui effectue régulièrement des descentes dans les différentes structures. Toutes les armoires, sans exception, sont forcées, les affaires des Migrants entassées et mélangées et tout argent saisi. Les rues sont devenues un véritable enfer : contrôlés au faciès de manière systématique, interdictions de périmètres et contraventions pour troubles à l’ordre publique.
Nous avons été profondément choqués par le discours prononcé par notre Directeur lors de la fête de fin d’année. Le cynisme de ce discours se voulant humoristique, accompagné d’images et de références au drame de Lampedusa et aux bidonvilles pour parler des problématiques rencontrées en termes d’hébergement à l’EVAM, laisse présager le pire. Notre Direction appliquera-elle sans scrupule des mesures bafouant les droits humains dans l’espoir de dissuader les migrants de choisir la Suisse ? 
Au nom de la dissuasion, l’EVAM et le Conseil d’Etat vont maintenir des conditions d’hébergement indignes et encouragent une démesure de pression policière. En tant que professionnels, nous ne pouvons que constater l’inefficacité de cette politique. Celui qui a risqué sa vie pour venir en Europe, y restera. Peut-être que les Migrants tenteront un autre pays mais ils reviendront en Suisse quand les conditions s’y seront à leur tour dégradées. Cette course à la maltraitance qui se joue entre les différents pays de l’espace Schengen, de la Suisse et du Canton de Vaud est indigne de la tradition humaniste revendiquée. Cependant, pour que la vie des Migrants soit la plus difficile possible, l’objectif est parfaitement atteint.
Un homme a tenté de s’immoler au SPOP, un autre est mort en tombant d’une fenêtre du Foyer d’aide d’urgence de Vennes alors qu’il devait retourner en Italie. Un jeune syrien est monté sur le toit d’une école menaçant de sauter s’il n’était pas entendu par les autorités.  La facture financière, sociale et humaine de cette politique est énorme.
Chassés des abris par l’EVAM le matin, des parcs et des centres villes par la Police la journée, les Migrants n’ont aucun espace pour s’isoler et se reposer. « C’est comme la prison mais la prison c’est mieux que l’EVAM ». Le manque de sommeil ajouté à la promiscuité, au confinement en dortoir de plus de 50 personnes, en abri et en structure de jour, engendre inévitablement un climat de violence. S’ajoute à cela l’apparition de multiples difficultés psychosociales telles que la consommation de différents produits et l’apparition de maladies psychiques permettant à l’EVAM de mettre en place et de justifier des mesures de contrainte humiliantes. 
Nous appelons notre Direction et le Conseil d’Etat à un changement radical de la politique d’accueil des Migrants et d’appliquer immédiatement les mesures suivantes :
·         « Assurer un hébergement conforme aux droits humains élémentaires à chaque bénéficiaire » est déclaré objectif n°1de l’EVAM pour l’année 2014.
·         Ouverture des abris 24h/24h afin de permettre aux Migrants de se reposer.
·         Arrêt immédiat des descentes de police dans les Foyers EVAM.
Nous appelons nos collègues à s’exprimer, à prendre position et à témoigner. Nous souhaitons que les valeurs d’Ouverture et de Responsabilité, tant prônées à l’EVAM, soient respectées.


Demandons ensemble de meilleures ressources pour améliorer l’accueil des Migrants !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire